. Le jeune homme tabassé dans le quartier de la Monnaie témoigne

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++ WEBTUBE : Thomas, deux mois déjà. Soulevant les colères et les indignations, de nombreuses voix ont souhaité alors se faire entendre. Dans la nuit du 25 au 26 novembre dernier, un groupe d’une petite centaine de jeunes militants de droite investit le quartier de la Monnaie, à Romans-sur-Isère, d’où seraient originaires les assassins de Thomas. Devant les charges des CRS, les militants reculent et s’enfuient. Parmi eux, un jeune homme de 20 ans, dont l’identité doit rester anonyme, s’est réfugié dans son véhicule. Pris à partie, le jeune est lynché, menacé, insulté. Pour BV, il témoigne.

Julien Tellier. Pouvez-vous retracer les événements ? Pourquoi était-ce important de rejoindre ce cortège ?

L’assassinat de Thomas m’a révolté. C’était un crime raciste, de toute évidence. Des amis m’ont mis au courant de cette marche et j’y suis allé spontanément. Je voulais simplement montrer à quel point j’étais scandalisé qu’il soit possible de se faire tuer en France pour un mobile raciste. Qu’on soit blanc ou de toute autre origine, cela reste un crime ignoble. La Justice doit se montrer ferme et prendre en compte le mobile raciste.

J. T. La manifestation a vite tourné court. À quel moment et pourquoi avez-vous été agressé ?

Après les premières interventions de policiers, j’ai rapidement repris le chemin de mon véhicule, garé à 700 mètres de la cité de la Monnaie. Je pensais me mettre en sécurité, pour éviter tout problème avec la police. Très vite, un homme d’une cinquantaine d’années, se faisant passer pour un agent des forces de l’ordre, est venu et m’a demandé de sortir, chose que j’ai immédiatement faite. Mais j’ai vite compris qu’il m’avait tendu un piège, en voyant les jeunes de la cité m’encercler peu à peu et devenir de plus en plus vindicatifs.

Au début, je recevais quelques coups que je réussissais à parer. Mais ils ont été de plus en plus nombreux autour de moi et étaient armés. Ils m’ont attrapé, m’ont volé les clés du véhicule, mon téléphone et ma cigarette électronique. J’ai pu distinctement voir que les individus avaient un club de golf et un couteau. Au départ, j’ai subi surtout des menaces et des insultes racistes. Ils n’arrêteraient pas de me dire : « Sale Blanc ! »« sale bouffeur de porc ! »« sale kouffar ! ». La pire chose qu’ils m’aient dite, c’est : « On va te faire une Thomas ! ». Après cela, ils m’ont roué de coups violents et m’ont jeté de l’essence sur les pieds en me menaçant de me « cramer ».

De là, ils voulaient me faire monter dans un véhicule type Twingo, puis ont rapidement changé d’avis en me poussant dans un minibus. En route vers la cité, on m’a mis le couteau sous la gorge pour que je me déshabille entièrement. Malgré les menaces, je n’ai enlevé que le haut. Mais j’ai payé cher mon refus d’obtempérer. Celui qui m’ordonnait de me déshabiller m’a à nouveau roué de coups dans les côtes, les cuisses et la tête. C’est là que j’ai perdu connaissance à de multiples reprises et que les choses sont beaucoup plus floues, jusqu’à mon transfert à l’hôpital par les pompiers.

J. T. Que s’est-il passé à votre réveil ?

Lorsque je me suis réveillé, j’étais torse nu dans un hall d’immeuble, avec la fermeture de mon pantalon ouverte et sans ceinture. Un jeune de la cité était là. C’est confus dans mon esprit, mais je me rappelle qu’il était assez moqueur, tout en me disant : « C’est un Arabe qui t’a sauvé. » Puis plus rien. Je me souviens seulement de l’arrivée des pompiers, puis j’ai un flash de ma prise en charge aux urgences avec plusieurs agents hospitaliers en train d’essuyer le sang dont j’étais couvert.

J. T. Deux mois après cette agression, conservez-vous des séquelles ?

Mon agression a eu lieu samedi 25 novembre, j’ai commencé à reprendre mes esprits lundi 27, tout en ayant toujours des pertes de mémoire. Dans leur rapport, les médecins ont fait état d’un traumatisme crânien et du genou, d’un nez cassé, de contusions sur l’ensemble du corps et d’une grande plaie à la main droite. J’ai été mis en arrêt huit semaines au total après contre-avis de mon médecin traitant. Durant toute cette période, il m’a été impossible de me servir de ma main forte.

Depuis, j’ai de multiples douleurs au dos. Il m’est impossible de soulever un objet de plus de cinq kilos sans ressentir une douleur. J’ai également toujours très mal à la cuisse, mais j’ai tout de même dû reprendre mon travail. Psychologiquement, c’est toujours compliqué. Pas un jour ne passe sans que je repense à mon agression. Chaque jour, je me dis que je suis passé à côté de la mort…

J. T. Une enquête est en cours et une plainte a été déposée. Avez-vous des nouvelles ? Qu’espérez-vous ?

La police est venue, le dimanche même, prendre ma plainte à l’hôpital de Valence. C’était encore assez flou dans mon esprit et j’ai certainement manqué de précision. Toutefois, ils m’ont très vite présenté des profils concordant à mon récit. J’ai formellement reconnu un individu. Sur une dizaine d’autres individus qui m’ont été présentés, j’ai exprimé un gros doute sur trois d’entre eux. Étant encore hospitalisé, je n’avais pas mes lunettes au moment de l’identification. Pour ce qui est de la plainte, mon avocat a fait parvenir une lettre, lundi, au procureur de Valence afin d’obtenir une copie de ma plainte. Deux mois, ça commence à faire long.

Tout ce que je souhaite, c’est que l’enquête mette en avant le mobile raciste de cette lâche agression et que tous les dommages matériels qui m’ont été causés soient réparés. J’attends, également, que les responsables soient identifiés, mais pour cela, il faudrait avoir les conclusions de l’enquête. Je veux qu’à travers cette affaire, le combat de la maman de Thomas soit entendu. De mon côté, si je dois manifester à nouveau pour Thomas et sa mémoire, je le referai. Son histoire ne doit pas être oubliée. Justice doit être rendue pour Thomas.

Contacté par BV, l’avocat du jeune homme corrobore sa version.

Julien Tellier, dans BV

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