Cinéma : Les Passagers de la nuit, balade nostalgique dans les années 80

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Articles  : Mai 2022Avr. 2022 – Mar. 2022 – Fev. 2022 –Facebook : https://www.facebook.com/ORTF-News-107572991571884

Il y a des films qui vous hypnotisent par leur ambiance et vous font voyager dans le temps. Des films sensoriels et ouatés, plongés dans l’obscurité de la nuit, jusqu’à la lumière diffuse du petit matin.

Les Passagers de la nuit, de Mikhaël Hers, sorti début avril, est de ceux-là. Débutant le 10 mai 1981, le soir de l’élection de François Mitterrand, le film fait s’entrecroiser, dans les tours du quartier de Beaugrenelle à Paris, le destin d’une famille en pleine mutation et celui d’une jeune femme perdue, vivant au jour le jour, pour une trajectoire commune et fugace.

Quittée par son mari, Elisabeth Davies, incarnée à l’écran par Charlotte Gainsbourg, doit pour la première fois de sa vie trouver un travail pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants, Mathias et Judith. Peu débrouillarde, dépourvue de toute connaissance technique ou administrative, Elisabeth, poussée par une nature hypersensible, postule spontanément à Radio France auprès de Vanda Dorval (Emmanuelle Béart). Celle-ci anime une émission de nuit qu’Elisabeth suit assidument, où les auditeurs viennent s’épancher sur leur vie et obtenir conseil. Une émission évoquant aussi bien « Les choses de la nuit » de Jean-Charles Aschero sur France Inter que celles animées plus récemment par Caroline Dublanche.

Dans le cadre de son nouveau travail, Elisabeth fait la connaissance de Talulah, une jeune femme à la rue, passant d’un squat à un autre, venue se confier à l’antenne. Touchée par sa personnalité, Elisabeth lui propose gentiment de l’héberger quelques temps dans son appartement.

Au contact des membres de sa famille, Talulah se sent acceptée, noue un lien fort avec son fils Mathias, mais ne partage pas vraiment leur souci du lendemain, ni leur quête de stabilité matérielle ou affective. Un matin, sans un mot, Talulah s’en va… Près de quatre ans plus tard, alors qu’Elisabeth et ses enfants semblent enfin avoir trouvé un équilibre, la jeune femme revient, plus mal-en-point que jamais…

Récit poétique d’un sauvetage qui n’aboutit pas, Les Passagers de la nuit défend l’idée selon laquelle seuls les individus parvenus à se sauver eux-mêmes sont en capacité de sauver les autres, à condition que ces derniers veuillent réellement qu’on les aide.

Elisabeth, Mathias et Judith peinent durant les trois quarts du récit à trouver un ancrage et une stabilité dans leur vie. C’est lorsqu’ils y parviendront et qu’ils acquerront un minimum de sérénité qu’ils seront en mesure d’aider Talulah à s’en sortir. Seulement, le besoin de liberté et d’indépendance de la jeune femme ne risque-t-il pas, à ce moment-là, de court-circuiter ses efforts ?

Plein de bon sens, le film de Mikhaël Hers bénéficie, tout particulièrement, d’une direction d’acteurs et d’une esthétique visuelle très travaillées. Tourné sur pellicule 16mm avec un grain magnifique, des couleurs légèrement baveuses et des halos de lumière, le tout monté avec des images d’archives, Les Passagers de la nuit parvient à restituer, sur fond de musique new wave contemplative, l’ambiance ouatée des années 80 tout en évitant deux écueils : les clichés du montage pop et énergique et la surpolitisation du propos général à laquelle se prête allègrement la décennie mitterrandienne. Pourtant, l’éloge de France Inter et la présence au casting d’Emmanuelle Béart et de Charlotte Gainsbourg, qui n’ont jamais fait mystère de leur bord idéologique, n’étaient pas de nature à nous rassurer…

Le réalisateur, heureusement, a l’intelligence d’axer le tout sur la nostalgie, la sentimentalité de ses personnages et l’esthétique générale. À ce titre, son film est une totale réussite.

Pierre Marcellesi, Boulevard Voltaire

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