Jean-Paul Belmondo. La fougue, le panache, la marge

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Depuis lundi soir, la France est en deuil national. Elle pleure l’une des icônes les plus représentatives de l’esprit, du charme français ; elle revit les soirées du dimanche soir sur la première chaîne, où l’énergie désinvolte du picaro Bébel, un peu marlou, un peu aristo, enchantait le spectateur qui ne se lassait pas de revoir L’Homme de Rio (Broca,1964), Les Tribulations d’un Chinois en Chine (Broca, 1965) ou Peur sur la ville (Verneuil, 1975). Un cinéma fédérateur, qui savait offrir l’aventure et le divertissement au plus grand nombre.

Un alliage d’irrévérence et de dérision, d’agilité physique et d’agilité spirituelle

Fils du sculpteur Paul Belmondo (qui lui avait appris en ces termes à ne jamais refuser un autographe à un passant : « Ce sont ces gens-là qui te font vivre, ne l’oublie jamais »), il suit les cours du Conservatoire de Paris en compagnie de ce que l’on appellera la « Bande » : Bruno Cremer, Jean Rochefort, Claude Rich, Jean-Pierre Marielle, Annie Girardot, etc. Il en sort avec un rappel de premier accessit et quitte ledit Conservatoire en faisant un bras d’honneur au jury… Trente-cinq ans plus tard, toujours en délicatesse avec l’Institution, il refusera le César du meilleur comédien pour Itinéraire d’un enfant gâté (Lelouch, 1988). De fait, sous couvert d’héroïsme complice, les personnages qu’il incarne sont souvent d’authentiques frondeurs voire de vrais anars. Ennemis du système, du Michel Poiccard d’À bout de souffle (Godard, 1960), en passant par Le Voleur (Malle, 1967), le François Capella de Borsalino (Deray, 1970), Stavisky (Resnais, 1974) ou Pierrot le fou (Godard, 1965), ou en rupture de ban (Un singe en hiver, Verneuil, 1962, La Sirène du Mississippi, Truffaut, 1969), les héros ne peuvent s’intégrer dans un monde aux cadres trop rigides pour leur aspiration à une liberté totale. La liste des œuvres championnes du box office des années 1975-1985 en est une incontestable illustration : L’Incorrigible (Broca, 1975), L’Alpagueur (Labro, 1976), Le Guignolo (Lautner, 1979), Le Marginal (1983), etc. Si, de prime abord, le héros n’a rien d’un rebelle (le Nicolas Philibert des Mariés de l’an II, Rappeneau, 1971), l’adversité et la nécessité de la survie auront tôt fait de le convertir en franc-tireur, peu soucieux des convenances et de la loi. C’est sans doute cet alliage d’irrévérence et de dérision, d’agilité physique (il a exécuté lui-même la quasi totalité de ses cascades, faisant l’admiration des spécialistes) et d’agilité spirituelle, qui a fait de Belmondo l’un des acteurs les plus emblématiques de « l’esprit français ».

Si l’on ne devait retenir qu’une œuvre, Le Magnifique (Broca, 1973) s’imposerait à l’évidence. Dans cette mise en abyme du cinéma d’aventure, Belmondo se dédouble en écrivaillon mercenaire (François Merlin) et en agent secret flamboyant (Bob Saint-Clar, une sorte d’avatar de ce que deviendra Bébel), amalgamant les deux univers de la chimère et du réel en une désopilante parodie des premiers OSS 117. L’acteur se livre avec jubilation et autodérision à une déconstruction de son image. À revoir d’urgence !

Sévérac


Breizh-info.com

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