Bouffer de l’Indien. Mais qui organisait la bouffe ?

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Articles : Sept 2021Aout 2021 – Juil.2021 – Juin 2021Mai 2021Avr. 2021

Le fléau de la repentance s’étend de plus en plus. Surtout dans les Amériques, où les statues des conquistadors sont démolies ou saccagées, où la figure même de Christophe Colomb est dénigrée. Et où, tout récemment, deux présidents – le Péruvien Pedro Castillo et le Mexicain Andrés Manuel López Obrador – s’en sont pris virulemment à l’héritage espagnol. Autrement dit, à l’héritage de la civilisation européenne dont eux-mêmes et leurs pays sont issus.

Le jour de son investiture, le gauchiste péruvien a eu le culot de cracher sur son passé en présence… du roi d’Espagne en personne. Le président du Mexique a, quant à lui, exigé à maintes reprises que l’Espagne batte sa coulpe pour l’ensemble de la Conquista (il n’a pourtant jamais soufflé mot sur l’autre conquista, celle d’un tiers du Mexique par les États-Unis).

Or, voilà que les choses sont en train de changer. Il n’y a pas si longtemps, tout le monde baissait la tête et personne ne ripostait à de tels affronts. Mais ce n’est plus le cas. Tout un courant est en train de se développer qui, mené par des historiens de prestige, remet les pendules à l’heure et détruit les supercheries de la légende noire. L’historienne espagnole Elvira Roca Barea et l’Argentin Marcelo Gullo en sont, entre autres, les figures de proue. Le succès extraordinaire de leurs livres, vendus à des dizaines de milliers d’exemplaires (Imperiofobia, pour la première ; et Madre Patria, pour le second), sont d’ailleurs la preuve incontestable de l’écho qu’un tel courant, si politiquement incorrect, éveille parmi les gens.

Les choses en sont arrivées au point que, lors de la cérémonie solennelle organisée au Mexique en l’honneur des Aztèques pour fêter, le 13 août dernier, le 500e anniversaire de la chute (ou de la libération, tout dépend) de leur capitale Tenochtitlan, le président du Mexique a jugé nécessaire de se défendre et d’essayer de démolir les vues développées par Marcelo Gullo dans son livre.

Celles-ci consistent, entre autres, à rappeler que trois cents soldats espagnols, même pourvus de chevaux et d’armes que les Aztèques ignoraient, n’auraient jamais pu venir à bout d’un tel empire s’ils n’avaient pas compté avec le soutien massif des nombreuses ethnies indiennes (plus d’une centaine) écrasées par les Aztèques, la même chose étant d’ailleurs valable pour l’empire inca de l’actuel Pérou.

Qu’est-ce que vous dites, Monsieur ! s’exclamera-t-on. Comment ! Des Indiens écrasés par d’autres Indiens ? Eh oui, et écrasés au sens propre : passés à la moulinette. Car de tels Indiens n’étaient pas seulement dominés et exploités : ils étaient bouffés. Littéralement. L’anthropophagie des Aztèques ne se bornait pas, comme on le croit habituellement, à quelques cas de « sacrifices rituels ». Elle était massive. Des foules entières y passaient. William H. Prescott, un historien du XIXe siècle qui est d’ailleurs parmi les plus critiques à l’égard de la conquête espagnole, établit le chiffre des victimes à 20.000 par an, tout en reconnaissant que « certains auteurs parlent de 150.000 victimes annuelles ». Leurs corps étaient mangés de telle sorte que « les morceaux de choix, explique Marcelo Gullo, étaient consommés par la noblesse, et les viscères par le peuple ».

C’est pour se libérer d’un tel carnage que les victimes profitèrent de l’arrivée des Espagnols pour se mettre massivement aux ordres d’Hernán Cortés, se défaire de leurs chaînes et priver leurs maîtres d’une gourmandise aussi exquise. Ce qui fait dire à Marcelo Gullo : « L’Espagne n’a pas conquis l’Amérique. L’Espagne a libéré l’Amérique. »

Tout cela, on le sait depuis très longtemps. Les faits sont accablants ; les preuves, nombreuses, indiscutables. Mais la bien-pensance ne veut rien en savoir. Sa haine de soi, son hostilité à l’encontre de sa propre civilisation l’emporte par-dessus tout. Il est donc bon, il est indispensable que ceux qui ne sont pas soumis aux diktats d’une telle autoflagellation lèvent la voix de plus en plus haut, de plus en plus fort.

Javier Portella, Boulevard Voltaire

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