L’immigration clandestine redouble en Mer Méditerranée, l’Union européenne baisse la garde

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Il y a un an, trois organisations internationales paragouvernementales prédisaient un afflux massif de clandestins en Europe lors du rétablissement des transports internationaux. Sans attendre la fin des restrictions aux déplacements, l’immigration clandestine arrivant en Europe par la mer méditerranée connait un très fort regain depuis le début de l’année 2021.

Tout semblant de fermeté pour faire respecter les frontières extérieures de l’Union européenne semble avoir disparu. Cédant aux pressions des ONG no border, l’Union européenne proscrit désormais tout refoulement de bateaux clandestins en haute mer. Dans ces conditions, les pays européens apparaissent plus désarmés que jamais face à la croissance de l’immigration clandestine. Les solutions préconisées par l’Union européenne risquent d’empirer la situation : la répartition des migrants entre pays européens est de nouveau présentée comme la solution pour alléger la pression migratoire que subissent les pays du sud de l’Europe. Pour lutter contre l’immigration clandestine, la commission européenne entend donner la priorité aux retours volontaires des étrangers en situation irrégulière présents dans l’UE, au détriment des éloignements forcés.

Les arrivées clandestines par la mer méditerranée en hausse

En Italie, la fin du blocus aux bateaux des passeurs et des ONG depuis le départ de Matteo Salvini du ministère de l’intérieur en septembre 2019 se fait cruellement sentir.

Alors qu’en 2019, on dénombrait seulement 11 471 arrivées de clandestins sur les côtes italiennes, elles atteignaient 35 100 en 2020. Depuis le début de l’année 2021, la hausse s’accélère. Au 10 mai, le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies recensait 12 800 arrivées clandestines par la mer en Italie. Durant le seul week end du 9 mai, près de 2 100 clandestins sont arrivés sur l’ile de Lampedusa, ce qui leur permet d’accéder en toute tranquillité au continent européen. Le retour des beaux jours est l’occasion pour de nombreux Tunisiens, Bangladais, Ivoriens, Egyptiens et Algériens de tenter leur chance. La surveillance des départs de bateaux des côtes libyennes par les autorités du pays, pourtant subventionnée par l’Union européenne, semble se relâcher sérieusement.

En Espagne, on comptait au 10 mai 9 160 arrivées de clandestins par la mer depuis le début de l’année 2021. Le journal espagnol OK Diario recensait le 8 mai l’arrivée de pas moins de 30 embarcations clandestines en 48 heures à Almeria. Les agressions contre les gardes civils espagnols chargés de la surveillance des côtes se multiplient. Près de 30 d’entre eux auraient été blessés depuis le début de l’année. Les Iles canaries sont également devenues une destination de choix pour les clandestins, en raison de leur proximité avec le continent africain. Pas moins de 4 950 clandestins y sont arrivés depuis le début de l’année. Pour les Marocains qui parviennent à gagner l’Espagne, c’est un billet simple pour l’Europe. Invoquant des raisons sanitaires, les autorités marocaines ont en effet décidé de suspendre les opérations de retour des migrants des Canaries vers le Maroc. Ces chiffres communiqués par le HCR des Nations Unies ne comptabilisent évidemment que les arrivées recensées par l’organisation internationale.

Le continent européen désarmé, faute de volonté politique

Les réponses que souhaite rapidement apporter l’Union européenne à l’immigration clandestine risquent fort de l’augmenter encore davantage. Elles consistent en un programme en 4 volets :

-le bannissement de tout refoulement de bateaux clandestins en mer méditerranée ;

-le renforcement des capacités d’accueil ;

-la répartition des clandestins entre pays européens ;

-l’aide au retour volontaire.

Le bannissement de tout refoulement de bateaux clandestins en mer Méditerranée

Lors d’une conférence de presse organisée le 11 mai, la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, et Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, ont martelé qu’aucun refoulement de bateaux clandestins ne devait être organisé en mer méditerranée.

Cette position part du postulat que tous les migrants venant clandestinement en Europe par la mer méditerranée sont potentiellement des demandeurs d’asile, peu importe qu’ils y viennent pour des raisons économiques. Peu importe également que dans 62% des cas, les demandeurs d’asile soient déboutés. Les incessantes mises en cause de l’action du corps de garde-côtes Frontex ont abouti au-delà des espérances des ONG no border.

Le renforcement des capacités d’accueil

Aidés par la commission européenne, de nombreux pays européens, dont la France et l’Italie, renforcent depuis plusieurs années leurs capacités d’accueil des étrangers en situation irrégulière.

En Italie, la reprise progressive du trafic des navires de croisière, dont certains étaient utilisées pour des quarantaines appliquées aux clandestins, amène le gouvernement à envisager de leur mettre à disposition des hébergements en dur. En France, les autorités ont récemment travaillé de concert avec un collectif d’aide aux clandestins. Le rassemblement que celui-ci a organisé le 12 mai place de la République à Paris réunissant plus de 700 migrants a été suivi d’une « mise à l’abri » immédiate planifiée par la Préfecture d’Ile de France. A aucun moment l’éloignement des étrangers en situation irrégulière n’est évoqué dans le communiqué de presse de la préfecture de région d’Ile de France. Tout au plus est-il évoqué un « accompagnement administratif ».

La répartition des clandestins entre pays européens

Face aux récentes et massives arrivées de clandestins en Italie, le premier ministre italien Mario Draghi souhaite relancer l’accord dit de Malte conclu en 2019, qui prévoyait une répartition automatique des migrants arrivés en Italie et à Malte. Lors d’une conférence de presse le 11 mai, la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, a appelé les États membres à « faire preuve de solidarité envers l’Italie » et « à apporter leur soutien en matière de relocalisation » pour faire face à l’« énorme quantité de personnes » arrivées récemment dans le pays.Des contacts ont d’ores et déjà été pris avec les autorités allemandes et françaises qui, n’en doutons pas, s’empresseront de répondre positivement à toutes les sollicitations en la matière.

Soulignons que le pacte européen sur les migrations et l’asile en négociation actuellement vise à rendre automatique la répartition et la relocalisation des clandestins arrivées par la mer Méditerranée en Europe, ce qui revient à accepter tacitement l’immigration clandestine.

L’aide au retour volontaire

La commission européenne entend faire des retours volontaires une pierre angulaire du pacte européen sur les migrations et l’asile actuellement en négociation. D’ores et déjà, la « stratégie européenne de retour et de réintégration » a été adoptée par la commission européenne le 27 avril 2021. Plutôt que d’accélérer le nombre d’éloignements d’étrangers en situation irrégulière, c’est par la persuasion et avec de l’argent que la commission européenne souhaite résorber le stock grandissant de clandestins vivant dans les pays de l’UE. La commission européenne justifie cette stratégie par le faible taux d’effectivité des retours décidés par les pays européens (29% en 2019) et le moindre coût d’un départ volontaire par rapport à un retour forcé.

Cette politique sur le mode « venez comme vous êtes » et « tout est proposé, rien n’est imposé » fait l’impasse sur plusieurs aspects de l’immigration clandestine :

-les migrants qui arrivent par la mer Méditerranée en Italie et en Espagne viennent ultra majoritairement de pays qui ne sont pas en guerre et sont souvent considérés comme « sûrs ».

– de nombreux migrants font une demande d’asile pour se maintenir sur le sol européen. Certains vont de pays en pays en espérant avoir une réponse positive à leur demande dans l’un d’entre eux. En 2019, le ministre français de l’intérieur évaluait à 30% le nombre de demandeurs d’asile présents en France ayant engagé une procédure dans un autre pays européen.

-la promotion des retours volontaires va entrainer des effets d’aubaine de la part des migrants, qui chercheront parmi les pays européens ceux qui proposent les meilleurs conditions. La France est particulièrement généreuse pour les clandestins qui veulent repartir au pays : outre une allocation forfaitaire de 1 850 euros, l’aide à la réinsertion peut atteindre jusqu’à 10 000 euros.

Libre circulation des bateaux clandestins en mer Méditerranée, augmentation incessante du parc d’hébergement des migrants, gestion de l’immigration clandestine par la répartition et non par l’endiguement, priorité des retours volontaires sur les retours forcés : les conditions sont réunies pour que l’immigration clandestine augmente très fortement dans les prochains mois en Europe en général et en France en particulier.

Sans transition aucune, l’Institut italien de statistiques évaluait récemment qu’en Italie, depuis le début de la crise sanitaire, un million de personnes supplémentaires sont passées en dessous du seuil de pauvreté. En France, le nombre d’allocataires du RSA a fortement augmenté pendant la période et atteignait 2,1 millions en octobre 2020.

Paul Tormenen, Breizh-info

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