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Pour certains, ce n’est plus qu’une question d’heure : Vincent Bolloré s’apprête à racheter Europe 1. Celui qui, dixit un de ses conseillers, « a en commun avec Zemmour une détestation de la bien-pensance, du conformisme, du socialisme » a décidément un appétit sans limite. Car c’est bien à lui qu’on doit cette bulle de liberté qui flotte sur les plateaux de CNews, ce petit air frais qui se dégage des prestations d’Éric Zemmour, cette liberté de ton qui caractérise les émissions de Pascal Praud et des ses invités, cette éclaircie dans le morne horizon de l’espace télévisuel dans lequel la France s’embourbait. Et ce n’est pas notre rédactrice en chef à Boulevard Voltaire qui devrait nous dire le contraire…
Comparé, selon les uns, à « Alexandre le Grand », à « Gengis Khan » pour les autres, Vincent Bolloré est un grand industriel français. Qui a bâti un empire depuis la petite entreprise bretonne familiale de papier à cigarettes (OCB comme Bolloré) jusqu’en Afrique grâce au fret, au trafic portuaire, à la logistique pétrolière, mais qui a également développé le marché de la voiture électrique et les batteries au lithium. Aujourd’hui, le groupe Bolloré, c’est désormais l’une des 500 plus grandes compagnies mondiales qui emploie 84.000 collaborateurs dans le monde entier.
Ces dernières années, le groupe Bolloré s’est résolument tourné vers le secteurs des médias et de la communication. C’est Vivendi, détenu à 27 % par Bolloré, qui, en 2015, rachète Canal+ en grande difficulté financière. Un séisme dans ce petit monde de l’entre-soi. Exit, en effet, des émissions comme « Le Grand Journal », « Les Guignols », mais aussi Yann Barthès et son « Petit Journal », jugés trop coûteux et qui iront se faire abriter sous d’autres cieux. Cyril Hanouna, lui, sera gardé : “C’est l’ami de son fils Yannick et son émission Touche pas à mon poste cartonne sur C8” (Le Point).
« L’esprit Canal » disparaît alors… De quoi nourrir bien des rancœurs dans ce monde médiatique. Elles atteignent leur apogée avec le succès de l’implantation de la chaîne CNews à l’occasion de la restructuration d’i>Télé et son corollaire, le triomphant Éric Zemmour qui, désormais, squatte les plateaux tous les soirs. Une bouffée d’oxygène plébiscitée par les Français, étouffés par les censures des GAFAM, qui propulsent CNews en tête des chaînes d’info devant BFM TV et LCI. Pas de quoi adoucir la hargne des ennemis de Vincent Bolloré, sans doute un peu vexés du désamour des Français pour les autres médias et qui hurlent aux dérives d’extrême droite de la chaîne. Car « Bolloré, c’est un esprit libre », selon un de ses amis qui explique, à Libé, « que 25 % de la population vote pour Marine Le Pen et ne voit pas pourquoi sa parole ne serait pas représentée dans les médias ».
Vincent Bolloré, plutôt catalogué « anar », n’est pas fatalement de droite. Car cet ami de Nicolas Sarkozy, à qui il prête son yacht lors de son élection à la présidence, soutient aussi Anne Hidalgo pour la mairie de Paris en 2014. Même si cette idylle est, aujourd’hui, nettement compromise par le fiasco des Autolib’…
C’est aussi un industriel méconnu bienfaiteur pour d’autres causes. En témoignent ces parents d’un enfant condamné qu’il aide généreusement à partir en pèlerinage familial sur la tombe de Jean-Paul II. Un geste désintéressé qui en cache d’autres…
Est-ce pour cela qu’on le dit proche des « traditionalistes » ? Un article rageur publié dans Télérama, accuse la nouvelle émission dominicale de CNews En quête d’esprit, d’avoir été “voulue par Vincent Bolloré pour convertir la France au catholicisme le plus réactionnaire”.
Reste que le bonhomme a d’autres ambitions. Après Europe 1, les chaînes M6 et RTL sont à vendre et intéressent Vivendi. Pas de quoi raviver « l’esprit Canal »…
C’est Alain Minc qui explique cette appétence de Vincent Bolloré comme la concrétisation « d’un bras de fer avec le président de la République ». De quoi gloser, comme le fait Libé, sur le baroud d’honneur de l’industriel proche de la retraite : propulser Marine Le Pen à l’Élysée en 2022. À moins que… Vincent Bolloré ne mise sur un autre cheval, qui sait ?
Sabine de Villeroché, Boulevard Voltaire