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Dans un tweet tout en nuance, le député Alexis Corbière (La France insoumise), professeur d’histoire dans le civil, écrivait, il y a quelques jours : « Je respecte la foi et les fidèles. Mais je suis en désaccord avec le fait qu’un élu, et en particulier le président de la République, participe à une cérémonie religieuse. La laïcité de 1905, c’est la séparation des Églises et de l’État. » Il réagissait en cela à un communiqué de l’Élysée : le Président Emmanuel Macron serait présent à la messe que célébrera le pape François au stade Vélodrome de Marseille, le samedi 23 septembre 2023. Alexis Corbière fait ici une erreur historique.
En effet, si la loi de 1905 instaure la séparation des Églises et de l’État, cette séparation commence effectivement en 1905. Par contre, la loi de 1905 sanctuarise le patrimoine matériel et immatériel des Églises, elle en fait l’inventaire et en confie même l’entretien à l’État et aux collectivités locales.
Une jurisprudence constante
La jurisprudence est constante depuis 1905 : tout ce qui figurait dans l’inventaire de 1905 (tableaux, meubles, immeubles, vaisselle liturgique, vêtements sacerdotaux, etc.) est propriété de l’État et des communes qui ont la charge de leur protection et de leur entretien. De même, le patrimoine immatériel, les noms des communes, de sites, d’hôpitaux, d’écoles, les dates des fêtes de notre calendrier, les jours fériés, qui font référence aux églises, toutes les traditions qui existaient avant 1905 sont protégés et peuvent perdurer sur l’espace public et dans les bâtiments publics. 4.581 communes, en France, portent le nom d’un saint ou d’une sainte. Personne n’imaginerait, aujourd’hui, les débaptiser au nom de la laïcité !
Ainsi, l’arrêté du 19 avril 1802 signé par le Premier consul Napoléon Bonaparte qui stipule que le jeudi de l’Ascension du Christ, la fête de l’Assomption de la Vierge Marie, la Toussaint et Noël, sont des jours fériés a été reconduit par la loi de 1905 dans son article 42[1].
Dans une commune, si la tradition avait été de faire des processions à la Vierge Marie le 15 août ou à son saint patron lors des fêtes patronales, avant 1905, ces processions peuvent perdurer dans ladite commune après. Si la tradition avait été d’exposer une crèche dans la mairie ou sur la place du village, avant 1905, cette tradition peut perdurer dans ladite commune après. Si une statue ou un calvaire ont été implantés sur le domaine public avant 1905, ils peuvent perdurer après et leur entretien incombe aux communes. Les maires sont très au fait de tout cela. Par contre, le déménagement de ces édifices ou les nouvelles implantations sur le domaine public ne sont pas possible après 1905, et ce, pour toutes les religions. Comme cela a été jugé dans l’affaire du saint Michel des Sables-d’Olonne, récemment.
La question du « chanoine du Latran »
Parmi les traditions d’avant 1905, l’une confère au président de la République française le titre honorifique de « premier et unique chanoine honoraire de l’archibasilique du Latran ». Emmanuel Macron a reçu ce titre au cours d’une cérémonie qui a eu lieu le 26 juin 2018 dans la basilique Saint-Jean-de-Latran.
Cette tradition remonte au règne de Louis XI. Elle avait été réactivée par le roi Henri IV qui, en 1604, après avoir abjuré sa religion protestante et reçu l’absolution du pape, avait fait don au Latran de l’abbaye bénédictine de Clairac, en Lot-et-Garonne. En échange, il avait reçu ce titre canonial, décerné par la suite aux chefs d’État français : les rois de France dans l’Ancien Régime, les présidents de la République aujourd’hui.
Après René Coty en 1957, cinq présidents de la Ve République ont fait le voyage jusqu’au Latran : le général de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron. Le président de la République française est aussi coprince d’Andorre avec l’évêque d’Urgell. En 1967, le général de Gaulle fut le 1er coprince français à faire le déplacement en Andorre depuis Henri IV.
Table rase
Ainsi, si la loi de 1905 met à égalité toutes les religions, elle protège les racines historiques de la France, notamment ses racines judéo-chrétiennes d’avant 1905. Alexis Corbière, qui est député et professeur d’histoire, ne saurait l’ignorer. Faire respecter la loi de 1905, c’est donc faire respecter les racines chrétiennes de la France désignée « fille aînée de l’Église » depuis Charles VIII. Les rois hier, les Présidents aujourd’hui, qu’ils le veuillent ou non, sont les successeurs de Clovis Ier, roi barbare baptisé chrétien en 496. « Du passé, faire table rase » est sans doute une antienne chère à La France insoumise, mais ce n’est pas du tout l’esprit de la loi de 1905, bien au contraire ! Il n’est donc pas incongru que le président de la République, et plus largement les élus de la République, assistent à une cérémonie religieuse, fût-elle présidée par le pape !
Yves d’Amécourt, Boulevard Voltaire