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++ WEBTUBE : Quand on n’a pas d’idées en politique ni de déontologie, il est facile de jouer au jeu des petites phases tronquées sorties de leur contexte. C’est une méthode très efficace pour s’adresser à une population de moins en moins éduquée et de plus en plus enclin à croire n’importe qui dès qu’il dit une énormité.
Mais quelle énormité a bien pu proférer le député RN de l’Aisne Jocelyn Dessigny pour créer une telle polémique ? « Sous le vernis, le rance. À ceux qui pensent que l’extrême droite a changé… », a fustigé le ministre du renouveau démocratique Olivier Véran. « Pour le RN, c’est les hommes au travail et les femmes à la maison. Vision archaïque et rétrograde du monde », a réagi, pour sa part, Nadia Hai, députée Renaissance des Yvelines et présidente du groupe.
Voici donc les propos de l’élu picard : « Nous partons du principe qu’une mère au foyer est peut-être mieux à la maison à s’occuper de ses enfants. Si elle le souhaite. » Cette déclaration tenue dans le cadre des débats sur le projet de loi « plein-emploi » porté par le gouvernement a donc soulevé les élus de la majorité de leur banc… Et entraîné une bonne dose de mauvaise foi, puisque la plupart des médias ont titré cette citation en omettant la mention « Si elle le souhaite ». D’ailleurs, le député mariniste a embrayé : « Si elle le souhaite, vaut mieux qu’elle reste à la maison à s’occuper de ses enfants plutôt que vous l’envoyiez dans un dispositif où elle va devoir réaliser quinze heures d’activité. » Outre le fait que, par nature, une femme au foyer est… dans son foyer, on comprend facilement ce que révèle cette passe d’armes.
Car la polémique a eu l’avantage de masquer le réel sujet. Derrière ce projet de loi s’inscrit la volonté du gouvernement de centraliser les bénéficiaires du RSA dans un seul et même fichier. Cela, couplé à la volonté d’imposer aux bénéficiaires du RSA 15 heures de travaux d’intérêt général, entraînerait des situations ubuesques. Joint par téléphone, Jocelyn Dessigny n’a pas voulu commenter la polémique mais a précisé sa pensée : « Parmi les allocataires du RSA, il y a des personnes en suivi de conjoints, des micro-entrepreneurs qui viennent de lancer leur activité, des étudiants… et des mères au foyer. En bref, des gens qui n’ont rien à faire dans le marché du travail », alerte l’élu.
Le délitement de la cellule familiale
Derrière cette polémique assez vaine se cache, finalement, la volonté de la majorité de faire de belles économies au détriment des familles. Ainsi, à peine nommé, le ministre des Solidarités Aurore Bergé a annoncé sa volonté de raccourcir le congé parental et de mieux l’indemniser. Cela, afin de permettre aux parents en congé parental (des femmes, pour l’immense majorité des cas) de retourner travailler plus rapidement. En outre, les réactions qu’a suscitées cette phrase anodine du député Dessigny démontrent que pour les macronistes, une femme au foyer est avant tout une victime qui doit impérativement s’émanciper par le travail.
« Monsieur le Ministre, le dédain dont vous faites part ici est une insulte à toutes les mamans qui restent à la maison pour élever leurs enfants . Avec votre loi, vous souhaitez les priver de leur droit à être des mères au foyer ! Pas moi ! Je suis pour la liberté de choix », avait répondu Jocelyn Dessigny sur X. « Donc, si je comprends bien, dans l’esprit du gouvernement, une mère au foyer devra payer une garde pour effectuer quinze heures de travail pour mériter son RSA ? » soupire un autre député du groupe.
"Nous partons du principe qu’une mère au foyer elle est p'têt mieux à la maison à s’occuper de ses enfants", dit ce député RN.
— Olivier Véran (@olivierveran) September 25, 2023
Sous le vernis, le rance. À ceux qui pensent que l'extrême droite a changé…
Mères et pères doivent avoir accès à l'emploi ! C'est ce que nous voulons. pic.twitter.com/5VCzMcUDUf
À ce sujet — Raccourcir le congé parental : Aurore Bergé commence fort !
La natalité et la famille : angle mort aussi à gauche
Aymeric Caron était bien seul, à gauche, à s’opposer à Aurore Bergé sur un critère familial : « C’est précisément l’inverse qu’il faut mettre en place : permettre aux parents qui le souhaitent d’élever leur enfant au quotidien les premières années, sans avoir à le confier à une crèche. Et, donc, prolonger fortement le congé parental (qui, certes, doit être beaucoup mieux indemnisé). » Car, à gauche aussi, la moindre opinion sur la natalité ou les choix privés relevant de la sphère familiale sont taxés de suspicion. Et ce n’est pas le député LR Thibault Bazin qui dira le contraire. L’élu défendait un amendement dans le cadre de la réforme des retraites censé « baisser le taux de CSG sur les revenus d’activités des mères de famille » en fonction du nombre d’enfants à charge. « Sans enfant demain, il n’y aura pas de renouvellement de générations », a-t-il dit pour cette mesure qui vise, selon lui, « à mieux soutenir les mères de familles qui travaillent ». Une hérésie pour la gauche. « Lâchez nos utérus », avait scandé Sandrine Rousseau, dans l’Hémicycle.
En commission, c’est Laure Lavalette qui s’est attiré les foudres de la NUPES en proposant des mesures pour relancer la natalité. « Une obsession lepéniste », pour la chercheuse en littérature Cécile Alduy. « Je suis choquée par la position du RN sur les femmes. Hier, on a eu droit à la politique nataliste, aujourd’hui, on a droit à la mariée. Moi, je parlerais d’incontinence conservatrice et rétrograde », avait protesté la députée NUPES Marie-Charlotte Garin.
« Rétrograde, sexiste, rance. » La France est sans doute le seul pays d’Europe ou parler de natalité et de femme au foyer renvoie aux heures les plus sombres de notre Histoire. « C’est magique, la libération de la femme, cela a tellement fonctionné qu’on décide à notre place », soupire une consœur trentenaire et mère de deux jeunes enfants…
Marc Eynaud, Boulevard Voltaire