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Le peuple marocain est à nouveau meurtri, et ce sont surtout les plus modestes qui ont été touchés, au sud-ouest de Marrakech. Avec deux séismes, l’un en 1960 provoquant 12.000 morts à Agadir, puis un autre tremblement de terre en 2004, à Al Hoceïma, causant la mort de 628 victimes (plus de 926 blessés et 15.230 sans-abri à cause de l’effondrement de 2.539 maisons, dont 2.498 en milieu rural), le Maroc a déjà payé un lourd tribut aux catastrophes naturelles…
Ce pays a beau être situé sur une zone de failles qui favorise ce type d’événement tellurique, force est de constater qu’il ne fait pas grand-chose pour apporter les solutions qui s’imposeraient. Pourtant, la situation nécessiterait des plans d’urbanisme cohérents et soucieux des enjeux humains et économiques, la consolidation des habitats modestes avec des programmes d’aides, ainsi que des programmes d’aménagement des zones suburbaines favorisant un habitat approprié.
Des habitats trop fragiles
Ce ne sont pas les palais royaux qui souffriront. Nombreux, anciens ou récents, ils sont pour la plupart construits solidement, même s’ils sont situés sur des zones sensibles soumises aux aléas géologiques. Las, au royaume chérifien, en dehors des zones de références touristiques et des bâtiments officiels, on s’affranchit souvent des méthodes modernes et pérennes de construction, ce qui rend tout possible. Le meilleur, avec un habitat souvent très modeste qui permet aux familles de faibles revenus d’avoir un toit ; le pire, on le voit aujourd’hui, avec des habitats souvent insalubres et fragiles qui ne tiennent que par la grâce de Dieu.
Ainsi, les habitations sont souvent de très mauvaise qualité. L’habitat traditionnel dans les zones rurales et les montagnes comme dans la vallée de l’Ourika, à l’est du pays, est fait de terre, de torchis sans structure solide. Dans les zones urbaines de petites villes, l’ossature en béton de faible section et les briques de remplissage constituent la norme. Dans la plupart des banlieues où se situent les quartiers pauvres, le béton l’emporte, sachant toutefois qu’il est souvent d’usage de mettre plus de sable que de ciment, ce qui, ajouté à une économie sur le ferraillage, fragilise l’ensemble des structures dès qu’une contrainte inhabituelle se manifeste. Ces quartiers pauvres contrastent avec les zones touristiques qui sont en général très soignées, comme c’est le cas à Casablanca. La capitale économique a eu son époque « solide » en matière d’architecture.
Dans cette catastrophe, c’est encore le peuple marocain qui va souffrir. Ce pays est construit de paradoxes. En 2019, Le Monde constatait qu’il était « salué pour son taux de croissance, son ouverture au tourisme et aux investisseurs étrangers, (mais) le Maroc n’en reste pas moins le pays d’Afrique du Nord où les inégalités entre citoyens sont les plus fortes. » Depuis trois ans, le seuil de pauvreté est de nouveau en baisse. 3,2 millions de personnes vivent dans la pauvreté ou dans la vulnérabilité au Maroc.
Richesses du Maroc
Le pays a des ressources : avec 135.000 hectares de culture de cannabis produisant chaque année plus de 3.000 tonnes de haschisch, le Maroc est de très loin le premier producteur/exportateur mondial de cette substance. Dans son rapport mondial sur les drogues 2022, l’ONUDC (Office des nations unies contre la drogue et le crime) plaçait le Maroc à la tête des principaux pays d’origine et de départ de la résine de cannabis. Le royaume reste le premier producteur et exportateur mondial de cette drogue. Mais l’É tat marocain ne fait rien… trop risqué ! Espérons donc que les trafiquants du Rif aideront leurs frères et sœurs dans la misère, la zakât (aumône légale), faisant partie des valeurs chères à l’islam…
La pauvreté ne menace pas Sa Majesté. « Le roi des pauvres », commandeur des croyants, dont la fortune personnelle était estimée en 2015 à 5,7 milliards de dollars dans un pays où 5 millions de personnes vivent avec moins d’un euro par jour, aura à cœur, soyons en certain, au nom de ces mêmes valeurs, d’héberger les miséreux touchés par le séisme dans ses trente palais royaux entretenus sur l’argent public. Peut-être pourrait-il également, pour adoucir leurs peines, leur offrir un séjour au pied de la tour Eiffel dans son appartement de 1.600 m2 habitables sur le Champ-de-Mars, l’un des quartiers les plus chics de Paris ?
Jean-Louis Chollet, Boulevard Voltaire