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Pour un pays indiscipliné, les Français ont fait preuve d’une belle discipline électorale en reconduisant le mandat d’Emmanuel Macron. Les Insoumis ont beau rêver d’une cohabitation, le RN d’un groupe parlementaire, c’est Macron qui a la main, lui, Bruxelles et l’hégémonie libérale. Alors, que faire dans ces conditions ? Travailler, réfléchir, se projeter. L’opposition doit se transformer en propositions.
La presse internationale glose depuis longtemps sur la France prétendument révolutionnaire, ingouvernable, capricieuse et incapable de suivre la marche libérale et anglo-saxonne du monde. Les Gaulois réfractaires, selon l’expression consacrée de notre Président, viennent pourtant de montrer au monde leur légitimisme en lui renouvelant leur confiance. Peuple régicide, rétif à être conduit, les Français ont réélu leur chef de l’État, chose inédite dans ces circonstances (hors cohabitation) sous la Ve République.
Où sont donc passés les Gilets Jaunes, les grévistes et autres « périphériques », empêcheurs de tourner en rond sur les ronds-points, du début du quinquennat ? Comment ce Président, hautain, fat et peu soucieux de connaître son peuple, a-t-il pu demeurer le champion des urnes ? S’agit-il d’un accident, dû à un nouveau face à face avec le diable, ou plutôt sa fille, comme on le prétend à gauche ? Aussi, peut-on espérer comme l’envisagent certains, un retournement en juin, lors des législatives, le « troisième » tour de cette élection ?
Le Gourou des Insoumis vampirise la gauche
À gauche, le Gourou des Insoumis, plus conciliant qu’autrefois, et en position de force, a rassemblé sous sa bannière tous les débris de la gauche non-macronienne. Humiliée par le scrutin présidentiel et aspirant plus que tout à conserver ses quelques mandats, seuls viatiques qui lui permettent encore de bénéficier d’un financement public national, elle est prête à aller à Canossa.
Habile tacticien, le Gourou tente de personnaliser le scrutin en évoquant son hypothétique élection à la charge de Premier ministre. Cette manœuvre, si elle renforce les candidats de la « Nouvelle alliance populaire, écologique et sociale », ne parviendra pas à masquer l’indigence du projet de cette coalition, basé sur celui de la France insoumise. On y retrouve ses sempiternelles marottes, comme la VIe république, dont le Gourou autocrate nous assure qu’elle sera plus démocratique que la Ve, l’inscription du droit de choisir son genre dans la Constitution, ou encore, la « désobéissance » aux traités européens, qui donne un côté assez puéril et naïf à cet ensemble. Nous sommes loin du travail de fond de l’antique Programme commun des années 70.
Un Parlement godillot et un exécutif bruxellois
À droite, on prend les mêmes et on recommence, ou presque. Marine Le Pen est décidée à la jouer solo en écrasant le nouveau venu Reconquête !, dont elle rêve de faire un mort-né. Plus modeste que ses camarades de gauche, elle compte obtenir cette fois un groupe parlementaire, grâce auquel, elle pèserait dans la vie politique nationale, et renflouerait accessoirement les caisses d’un parti en faillite perpétuelle. Son programme, comme celui de l’alliance de gauche, comporte des mesures incompatibles avec le droit de l’Union européenne. Mettons à son crédit qu’elle propose d’y remédier en convoquant un référendum et en posant le peuple en juge suprême.
Ainsi, des deux côtés, on affirme que ces élections peuvent changer la donne, et qu’un groupe important ou même une majorité d’opposition à l’Assemblée nationale produirait un bouleversement politique. La représentation des partis politiques n’implique pourtant pas leur utilité. Le Parlement français ne sert désormais plus à rien, ou plutôt, il ne peut prendre aucune décision susceptible de remettre en cause les fondements de l’ordre économique et social dans lequel nous vivons. Certes, faire-valoir démocratique, il peut toujours voter des interdictions, comme celle de la chasse à la glue, des « thérapies de conversion » ou bien des chauffages électriques en terrasse des cafés… Est-ce là l’essentiel ?
Le pouvoir de faire est aujourd’hui ailleurs : à Bruxelles, avec la Commission européenne, à Luxembourg avec la Cour de justice de l’Union européenne, à Francfort avec la Banque centrale… Le soi-disant président « jupitérien » ne peut même pas battre sa monnaie, là où Louis VI le Gros, roitelet d’Île-de-France, il y a bientôt 900 ans, le pouvait.
Bloc élitaire contre bloc populaire
Les élections législatives sont d’ores et déjà écrites et la loi du mode de scrutin, uninominal et majoritaire, implacable. Mobilisés, contrairement aux perdants qui s’abstiendront massivement, les gagnants entérineront leur choix et conféreront au Président la majorité dont il a besoin pour « gouverner ». En marche, avec un déambulateur (70 % des plus de 65 ans ont voté pour Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle), les électeurs de Macron, qu’on n’euthanasiera pas de sitôt, voteront pour lui, faute de mieux.
Dans un pays vieillissant et en voie de paupérisation, on n’est guère enclin à prendre des risques. Avec Emmanuel Macron, c’est médiocre, mais on sait ce qu’on a : la préservation temporaire des intérêts de la France qui va bien, et ce qu’on n’aura pas, la sauvegarde de la France, de sa culture et de son État. En somme, c’est le déclin, mais le déclin tranquille ; juste le temps qu’il faut pour permettre aux retraités de finir dans la boîte. « Encore un moment », comme le quémandait la du Barry à son bourreau…
Est-ce à dire que la France et ses défenseurs, identitaires, patriotes, souverainistes, d’où qu’ils viennent, doivent se résigner à perdre et à voir leur pays se déliter ?
La lutte politique ne se résume pas aux élections, d’autant plus dans un régime où elles reviennent avant tout à sélectionner un candidat maastrichtien, pour reprendre les mots de Michel Onfray, dans un jeu faussement ouvert. Car, il convient de le rappeler, dans une élection présidentielle en apparence disputée, avec une douzaine de candidats, pas un seul ne prônait la fin de la monnaie unique, la sortie de l’Union européenne ou de l’OTAN.
Pour les politiciens qui désirent faire progresser leurs idées, le combat, passé la débâcle de juin, devra continuer ailleurs. Il s’agira pour eux de travailler pour proposer une alternative politique, au-delà du slogan. Partir de ce que les gens ont dans la tête, notamment les plus pauvres, devra être le seul objectif des formations politiques qui souhaitent récupérer les voix de ce que Jérôme Sainte-Marie appelle le bloc populaire.
Il y a du pain sur la planche
De fait, la France périphérique, celle des ronds-points, successivement cocufiée, précarisée, défrancisée et dépolitisée, est toujours là, mais ne parvient pas à trouver un débouché politique concret, en dépit du changement de braquet du Rassemblement national depuis l’arrivée de Marine Le Pen, qui lui fait risette et capte une part de ses suffrages.
Rassurer et rassembler la France des fins de mois difficiles et celle de l’insécurité culturelle, tout en crédibilisant un discours souvent radical ou bâclé, sera un impératif pour l’opposition patriote.
Enfin, il nous restera la rue, exutoire à l’issue incertaine, mais seul vecteur d’expression envisageable pour la France des oubliés. Elle risque d’occuper une place importante dans ce quinquennat à venir, pendant lequel le Président, non-rééligible, sera tenté d’avancer au pas de course dans son idéal de déconstruction généralisée.
Nous avons cinq ans pour faire mûrir nos idées, développer des médias alternatifs, réfléchir et concevoir un projet désirable pour une majorité de Français et pour la France.
Camarades, au travail !
Pierre Moriamé dans la revue Éléments
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