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Les élections législatives du 15 mai ont été riches d’enseignement dans un Liban ravagé par la crise et les blocages institutionnels et communautaristes.
Les observateurs craignaient tout d’abord une abstention massive. Avec près de 50 % de participation, la participation est finalement conforme à ses scores habituels. Mais c’est surtout la poursuite de l’immobilisme qui suscitait les plus grandes inquiétudes.
Or, d’importantes évolutions se sont produites au cours de ce scrutin. Tout d’abord, et c’est le plus spectaculaire, 13 sièges (sur 128) sont allés à de nouveaux venus issus de la contestation populaire d’octobre 2019. On se rappelle que pour protester contre l’incurie des pouvoirs publics et sa corruption généralisée, un grand mouvement populaire avait secoué tout le pays. Sa manifestation la plus spectaculaire avait été la constitution d’une chaîne humaine ininterrompue du nord au sud du pays. Toutes communautés confondues, les Libanais s’étaient donné la main pour qu’enfin les choses changent.
Mais le système, s’il est incapable de remplir ses missions de service public les plus élémentaires, sait se défendre et rien n’avait bougé.
Puis il y eut la terrible explosion du 4 août 2020 et, enfin, la crise financière suivie d’une crise économique qui semble tout emporter sur son passage.
On pouvait craindre que le découragement empêche le succès de ces listes hors partis et en rupture avec le communautarisme. Ces 13 sièges constituent une surprise et sont peut-être (mais peut-être seulement) l’amorce d’une évolution plus profonde.
L’autre enseignement important est le recul du Hezbollah (13 sièges) et de ses alliés, ce qui va l’empêcher d’avoir la majorité au Parlement. L’autre mouvement chiite, Amal, obtient 15 sièges et la question est de savoir si son chef, Nabih Berri, va conserver son poste de président de la Chambre des députés qu’il occupe depuis 1992. Il est à lui seul le symbole de l’immobilisme sclérosant qui détruit le Liban.
Dans le camp chrétien, on assiste également à une recomposition. Le CPL (Courant patriotique libre), dirigé par Gebran Bassil, recule légèrement et n’a plus que 17 sièges. Il laisse la première place aux Forces libanaises (FL) de Samir Geagea, qui obtiennent 19 sièges.
Il s’agit là d’un changement important. Tout d’abord, cela remet en cause l’ambition présidentielle de Bassil, qui rêve de succéder à son beau-père, le général Aoun, dont le mandat, très décevant, s’achève cette année.
Surtout, cela met les FL en première ligne face au Hezbollah. On sait que la milice chiite est la seule à avoir conservé ses armes à l’issue de la guerre qui a ravagé le Liban de 1975 à 1990. Or, Samir Geagea a fait de ce sujet son cheval de bataille et exige le désarmement de la milice chiite. Il veut également contrer l’influence iranienne, ce qui promet de belles empoignades.
En octobre dernier, un épisode sanglant s’était produit à Beyrouth, dans le quartier de Tayouné. Une manifestation organisée par le Hezbollah et Amal, avec de nombreux militants armés, se dirigeait vers le palais de justice pour protester contre l’enquête du juge Bitar sur l’explosion du 4 août. Des hommes armés les en ont empêchés et ont ouvert le feu, tuant six miliciens chiites. Les FL ont été accusées par le Hezbollah et ont démenti, mais toute la communauté chrétienne est convaincue que ce sont bien les FL qui ont défendu le palais de justice et les quartiers chrétiens que la manifestation devait traverser.
Le mouvement des Forces libanaises est aujourd’hui perçu comme le protecteur de la communauté chrétienne et de l’indépendance du Liban. Le clan Aoun est en perte de vitesse et une recomposition est en cours.
Antoine de Lacoste, dans BV
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