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La fin des élections sonne l’heure des comptes. La bataille des visions pour la France fut menée avec des oppositions visibles, et force est de constater que des blocs entiers du pays ne vont plus dans la même direction. Réalisant une campagne Blitzkrieg, Zemmour imposa le sujet du Grand Remplacement. Si Mélenchon lui répliqua avec sa créolisation, Marine Le Pen se concentra, quant à elle, sur le thème de la fracture sociale. Or, n’est-ce pas Macron qui rafla la mise lorsqu’il affirma que ce second tour était un « référendum pour ou contre l’Europe » ? Pendant que chacun représentait une sensibilité particulière du pays, cette question de l’Europe ne demeurait-elle pas la question qui les surplombe toutes, et celle qui peut nous permettre d’engager un combat frontal avec le président sortant ?
Avouons-le : cette élection est encore une défaite. La réélection de Macron nous démontre que le système n’est pas à sous-estimer. Il est une forteresse Vauban sur laquelle nous continuerons, si nous ne changeons pas de stratégie, à nous casser les dents tous les 5 ans. Or le temps presse, ce nouveau mandat accélérera la longue chute de notre nation par la déconstruction de notre culture, la submersion migratoire, la vente à la découpe de nos instruments de souveraineté et la continuation des séparatismes religieux, sociaux et régionaux. Sûrement est-il temps, malgré des clivages internes, que la grande famille du camp national se reparle car il y a péril en la demeure.
L’échec de la ligne « choc des civilisations »
Zemmour, avec son projet d’union des droites, se présenta comme le champion dextrogyre de l’opposition horizontale droite/gauche. Or, comme disait Marcel Gauchet dans le dernier Éléments, si cette opposition garde son pouvoir d’identification, elle ne peut plus être « la force de mobilisation collective » d’antan. Avec ses 7 %, Zemmour retrouve l’électorat de Philippe de Villiers. Il rencontre aussi une constante de l’histoire moderne de la France : la trahison des bourgeoisies de droite soi-disant patriotes.
Ce qui a plombé Reconquête!, c’est son incompréhension de la chose sociale et populaire. Obnubilé par ces « périls » que sont l’islam et l’immigration, cette monomanie les poussa dans des déclarations revanchardes contre ces classes populaires « ignorantes ». Mais comme David L’Épée l’a démontré, il fallait s’attendre à de pareils résultats avec une ligne économiquement libérale, pro-européenne et ouverte à l’économie de marché. L’insécurité culturelle et physique c’est important, mais la peur de l’insécurité financière prédomine chez les habitants du périurbain. Qu’on le veuille ou non, la racaille et l’immigration ne sont pour rien dans la crise des Gilets jaunes, du problème sanitaire, de la désindustrialisation et de l’abandon de la France périphérique.
Le plafond de verre de la question sociale
Si Zemmour fut le candidat de la défense de la civilisation, Marine Le Pen se présenta comme Déesse mère du peuple des exclus, des déclassées et de la France périphérique. Elle incarna, de manière verticale, la Valkyrie du care et la protectrice du bloc populaire contre le bloc élitaire. À la stratégie du Grand Remplacement, elle préféra celle du Grand Déclassement.
Si elle se fit la championne de la question sociale, cela se fit aux dépens de la question du bien commun. Patrick Buisson, dans un article du Point, nous fait remarquer que le lepénisme n’est même plus un populisme, mais seulement une marque qui a « évacué » le tricolore. Sa candidature fut impolitique puisqu’elle abandonna toute ferveur patriotique pour s’enfermer dans une candidature « gestionnaire ».
La formation du bloc anti-France
Représentatif des intentions de vote au second tour, l’un des clivages de cette élection est celui des actifs et des non-actifs formant, selon Emmanuel Todd, le « cauchemar gérontocratique de la France ». Si nous brocardons régulièrement la génération emblématique de cette population « nuisible et parasite » – les boomers –, ces derniers ne représentent pourtant que le gros de la troupe d’une alliance regroupant les retraités, les rentiers, les bourgeois urbains et les populations d’origine immigrée. C’est le camp qui représente, aujourd’hui, le parti de l’Anti-France puisqu’il protège cette République du Centre qui trust le pouvoir depuis 50 ans. Ce bloc, nous pourrions le décrire comme l’alliance objective entre les habitants cosmopolites des centres-villes et le lumpenprolétariat ethnico-religieux des banlieues.
Cette « tenaille Terra Nova », voilà l’ennemi – comme disait Gambetta – du bloc national. Zemmour et Le Pen se dispersèrent en attaquant, chacun de leur côté, ces deux ennemis en réalité alliés et unis. C’est une mythologie nouvelle qu’il nous faudrait pour le combattre. Et cette dernière est prête ! Formant les têtes de l’Hydre anti-France, nous avons déjà nos nouveaux États confédérés (Maurras) avec les Déconstructeurs (wokes, indigénistes, décoloniaux), les Européistes (mondialistes), les Centristes et les Islamistes. Et nous avons, par là même, nos instrus tout désignés à mettre dehors, à renverser et à neutraliser que sont les islamistes, les élites actuelles et les boomers.
Cette doctrine s’élaborerait selon une dimension horizontale en étant nationaliste, verticale en étant populaire, spatiale en étant rurale, et temporelle en étant générationnelle. Si Marine Le Pen se bat pour les Français et Zemmour la France, le mythe politique de la cause nationale incarnerait ce but de guerre commun. Il serait très simple à définir : continuation de la France ou dissolution de celle-ci dans l’Europe de Bruxelles. C’est la question que Macron nous posa pendant l’entre-deux-tours. Or, avoir un mythe politique c’est bien, mais avoir un « objet politique » mobilisateur c’est mieux.
Le salut par le Frexit
Quelle est la dernière victoire électorale du camp national ? Le vote de 2005. Notre erreur est de n’avoir jamais capitalisé sur cette victoire. Ce coup d’éclat aurait dû se faire la rampe de lancement d’une reconquête – avant l’heure – du pouvoir par notre camp. Au lieu de cela : rien. Et même pire, car nous accepterons, trois ans plus tard, l’acte de trahison fomenté par Sarkozy avec l’adoption sans référendum du traité de Lisbonne.
Machiavel, dans le Prince, écrivait : « Vous devez donc savoir qu’il y a deux manières de combattre : l’une avec les lois, l’autre avec la force ; la première est propre à l’homme, la seconde est celle des bêtes ; mais comme la première, très souvent, ne suffit pas, il convient de recourir à la seconde. Aussi est-il nécessaire à un prince de savoir bien user de la bête et de l’homme. » Vu que la voie royale – les élections présidentielles – est bouchée par un système invincible, il nous reste comme solutions de prendre les armes ou de forcer le référendum du Frexit. Si la première semble compromise car personne ne voit une Marche sur Rome se profiler, seule la seconde pourrait paraître plausible.
Le Frexit est le dernier « objet politique » qui pourrait faire converger ces trois mouvements évoluant parallèlement. Chacune de ces parties – l’identité, urbains contre ruraux, le pouvoir d’achat, l’opposition générationnelle – serait contenue dans ce tout que représenterait le Frexit. De plus, il placerait directement l’opposition politique à une hauteur qui mobiliserait tout le pays, et notamment cette population qui nous fait tant défaut que sont les abstentionnistes.
Pour faire sortir les abstentionnistes, il faut une question politique qui mette en jeu, non plus une réforme, mais bien une révolution renversant ce système. La « baleine abstentionniste », qui se renforce d’élection en élection, constitue ce monstre invisible dont tout le monde craint la remontée en surface. Notre devoir est de nous faire les capitaines Achab qui harponneraient, sous pavillon tricolore, ce Moby Dick incarnant cette force capable de s’opposer au Léviathan qu’est le système actuel. Le Frexit ne serait pas une bataille ordinaire mais bien une gigantomachie politique ; car pour combattre un monstre, il faut lui opposer un autre monstre. Seule la question du Frexit pourrait nous permettre d’éveiller pareille créature politique.
Souveraineté et identité : même combat
Un constat est à faire : l’enquête Eurobaromètre nous indique que les Français comptent parmi les plus pessimistes quant à l’avenir de l’UE, et, selon un sondage IFOP-Opinion du 15 février 2022, ces derniers seraient favorables à plus de 63 % à l’organisation d’un référendum sur l’appartenance de la France à l’UE.
Ce constat nous oblige, souverainistes et identitaires, à un accord pour les prochaines années. Nous n’avons pas le droit de continuer notre guerre interne pendant que les ennemis de la France avancent à grands pas. Oui il faut conserver une majorité ethnoculturelle pour la France, mais pour cela, nous devons obligatoirement retrouver une indépendance que nous n’avons plus. Bismarck ne disait-il pas qu’« aucune grande nation ne pourra être amenée à sacrifier sa propre existence sur l’autel de la fidélité aux traités » ? Or, trahir les traités revient à sortir de l’UE, car comme Juncker l’a si bien dit : « Il ne peut y avoir de choix démocratique face aux traités européens. »
C’est contre cette dépendance que nous devons organiser un mouvement national. Nous avons une mythologie, des ennemis désignés et un objet politique ; en clair, nous avons tout pour impulser une dynamique qui pourrait nous faire remporter – enfin ! – une victoire décisive sur le système. Si nous faisons naître au sein du peuple ce sentiment de l’occupation (par une élite traîtresse, des institutions étrangères et des populations colonisatrices), alors nous parviendrons à le faire entrer dans une perspective de radicalité et de résistance. À vous, Messieurs les cadres souverainistes et identitaires, de vous entendre…
Rodolphe Cart, dans la revue Eléments
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