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Quelles seront les conséquences du ralliement de Marion Maréchal sur la dynamique Zemmour ? Jean-Luc Mélenchon peut-il se retrouver au second tour ? Vers qui ira le vote des classes populaires ? Réponses avec le politologue Guillaume Bernard qui nous livre son analyse de la campagne présidentielle.
Marion Maréchal s’est officiellement ralliée à Éric Zemmour. L’ancienne député RN du Vaucluse s’est présentée à son meeting de Toulon et y a prononcé un discours. Elle a été très applaudie par les fans du candidat de Reconquête. Faut-il y voir une bonne nouvelle pour la candidature d’Éric Zemmour ?
Incontestablement, Marion Maréchal est une personnalité nationale d’envergure. Évidemment, cela peut contribuer à redynamiser sa campagne et à créer de la zizanie au sein du Rassemblement national. Pour autant, les ralliements ne déplacent pas énormément de voix.
Il faut bien le dire, le fait que Marion Maréchal préférait Éric Zemmour à sa tante était un secret de polichinelle. Par conséquent, je ne suis pas certain que cela ait l’effet escompté d’une augmentation colossale du nombre d’intentions de vote pour Éric Zemmour.
De plus, je ne comprends pas très bien quelle est sa stratégie à la fois personnelle et pour le courant qu’elle est supposée représenter. À l’évidence, en se ralliant à Éric Zemmour avant même le premier tour de la présidentielle et donc avant même les législatives, elle se met dans l’incapacité d’être l’une des personnalités permettant la réunification de Reconquête et du Rassemblement national. Chose qui, dans les mois ou années à venir, devra vraisemblablement avoir lieu pour constituer une force politique nationale d’envergure. On voit mal une situation ubuesque où des candidats Reconquête affronteraient des candidats RN aux législatives. J’avoue que Marion Maréchal était dans la position de pouvoir être l’élément unificateur, mais elle a décidé de ne pas l’être. Il y a un certain mystère dans sa stratégie…
Le ralliement de Marion Maréchal est une bonne nouvelle pour Éric Zemmour, dans la mesure où sa campagne patinait un peu. En cause, l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Évidemment retour de boomerang pour Marine Le Pen est Éric Zemmour. On leur reproche aujourd’hui leur connivence supposée avec la politique de Vladimir Poutine. Le ralliement peut-il contrecarrer cet effet-là ?
On serait tenté de dire qu’en envahissant l’Ukraine, Vladimir Poutine vient d’assurer la réélection d’Emmanuel Macron.
Il y a plusieurs choses dans ce que vous venez de dire. Il y a un trou d’air dans la campagne d’Éric Zemmour. On peut tenter d’expliquer cela par plusieurs choses.
Tout d’abord, c’est une nouvelle offre politique et incontestablement Éric Zemmour a réussi à décloisonner. Je peux dire qu’il a vraiment réussi à quasiment atomiser le cordon sanitaire. Je suis d’ailleurs assez frappé par le fait qu’aucun journaliste ne lui reproche d’accueillir, en son sein, d’anciens membres du Rassemblement national et donc d’accueillir de supposés fascistes.
De ce point de vue-là, c’est une réussite. Pour autant, cette nouvelle offre politique ne semble pas avoir d’impacts quant à la mobilisation des abstentionnistes. On sait que pour l’instant, il y a un très fort taux d’abstention prévisible pour le mois d’avril. Par conséquent, une nouvelle offre politique qui n’entraîne pas une adhésion des abstentionnistes, c’est la preuve que le discours n’atteint pas son véritable objectif.
Ensuite, il y a le fait que Zemmour n’arrive pas à séduire véritablement les catégories populaires ou du moins les plus populaires. À l’inverse, les catégories les plus bourgeoises, un peu frileuses, sont peut-être un peu tentées par un vote un peu plus sécurisant.
Et enfin, Marine Le Pen peut apparaître comme le vote utile, c’est-à-dire, pour tous ceux qui veulent à tout prix qu’il y ait au moins un des deux candidats, Zemmour ou Marine Le Pen au deuxième tour. Cela dit, le positionnement d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen sur la question de l’Ukraine n’a pas été d’une clarté absolue. C’est peut-être l’une des conséquences pour les intentions de vote qui les concernent. Il semblerait qu’Éric Zemmour a déçu un peu plus de personnes que Marine Le Pen parce qu’il apparaissait comme étant nouveau et ne tenant un discours que parfaitement sincère et pas uniquement lié aux circonstances politiques. Par conséquent, il a un peu plus pâti d’une certaine hésitation quant à ses prises de positions sur la question de la géopolitique.
Vous avez parlé de camp patriote divisé. L’autre danger est celui de Jean-Luc Mélenchon. On l’a vu rassembler 15 000 personnes à Lyon dans une manifestation pour la paix en Ukraine, mais en tant que candidat de la France Insoumise lors d’un vrai meeting politique.
Jean-Luc Mélenchon peut-il créer la surprise et devenir celui qui affrontera Emmanuel Macron au second tour ?
Jean-Luc Mélenchon a une dynamique et progresse petit à petit. Il rattrape ses concurrents de droite, Valérie Pécresse et Éric Zemmour. Le fait d’avoir une doctrine cohérente permet de tenir un discours ferme. Les thèmes de campagne sont imposés par les circonstances. Cela peut être l’insécurité, l’immigration et là en l’occurrence il semblerait que pour cette dernière semaine de campagne, la géo politique s’impose. Je ne me transforme pas du jour au lendemain en géopolitologue, ce que ne suis pas, mais je suis comme beaucoup de Français et je m’interroge sur le fait que ce qui avait été permis pour le Kosovo il y a quelques années, n’est sans doute pas permis pour le Donbass aujourd’hui.
Le fait d’avoir une doctrine ferme permet de prendre une position cohérente sur un certain nombre de sujets. Le fait que Jean-Luc Mélenchon ait été plus ferme sur ses positions, lui bénéficie d’une certaine manière. On ne fait évidemment pas une campagne sur une doctrine politique et avec des idées abstraites, mais il est certain que cela permet d’avoir des positions stables.
Oui, il progresse, mais pour l’instant il est très très loin de Marine Le Pen dans les sondages. Il est environ 6 points derrière elle et 15 points derrière Emmanuel Macron.
Le fait que la géopolitique impose un sujet dans la campagne peut entraîner un vote légaliste, le parti de l’ordre, les modérés qui ont peur et qui vont vouloir voter pour Emmanuel Macron.
D’un autre côté, la crise sociale avec notamment l’inflation, la crise institutionnelle avec le mouvement des Gilets jaunes né hors parti et hors syndicat, peut conduire à une mobilisation de catégories populaires. Dans ce cas-là, il peut y avoir un avantage pour Marine Le Pen vis-à-vis d’Éric Zemmour et un avantage pour Jean-Luc Mélenchon vis-à-vis de ses concurrents de gauche, je pense notamment à Yannick Jadot. Il y aura peut-être un vote utile à gauche. Les électeurs de Roussel ou de Jadot pourraient peut-être espérer voir Mélenchon arriver au deuxième tour et peut-être réussir à faire un très bon score. Ce serait pour la droite nationale, un scénario parfaitement catastrophique. Ce serait la division entre Marine Le Pen et Éric Zemmour et cela pourrait conduire à l‘élimination du second tour.
Ce scénario avait été envisageable quand Valérie Pécresse était haute dans les sondages, mais là il semblerait qu’elle connaisse une assez grosse dépression et que sa campagne ne marque pas. Pour l’instant, c’est Marine Le Pen au second tour. On verra bien d’ici quelques semaines quels seront les résultats.
Marc Eynaud BV
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