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Boulevard Voltaire
Au fond, il n’y a pas de problème avec l’islam, dans ce pays. Ou, tout du moins, s’il y en a, cela ne devrait pas durer autant que les impôts. C’est, en gros, ce que Gérald Darmanin a voulu dire, vendredi, à l’occasion de sa visite à la grande mosquée de Paris. Certes, il reconnaît qu’il y a quelques petits problèmes, disons, de calage – « on ne va pas se dire que tout va bien », concède le ministre en charge des Cultes -, mais « au regard de l’Histoire, s’il y a une religion qui a moins de difficultés à travailler avec la République, c’est l’islam ».
Cela veut donc dire qu’il y aurait des religions qui ont, ou ont eu, plus de difficultés à travailler avec la République. Logique. Lesquelles, alors, s’il vous plaît ? Au regard de l’Histoire ?
La religion israélite ? Non, bien sûr. Avec la création du Consistoire, sous l’Empire, qui n’était que la continuation, en tout cas l’émanation, de la République, le culte judaïque était reconnu en France. Et, le 7 mars 1808, la communauté juive pouvait adresser ses remerciements à l’empereur des Français : « Béni soit à jamais le Seigneur Dieu d’Israël, qui a placé sur le trône de France, un prince selon son cœur […] nous pouvons désormais bâtir, ensemencer, moissonner, cultiver les sciences humaines, appartenir à la grande famille de l’État, le servir… »
Mais c’est évidemment à la religion catholique que pense Gérald Darmanin. Et c’est là que son affirmation confine à l’escroquerie historique. Ce n’est pas la religion catholique qui a eu du mal à travailler avec la République, mais le contraire ! La République ne s’est-elle pas immiscée dans le paysage français marqué par 1.500 ans de catholicisme ? Souvent avec violence : persécutions révolutionnaires, expulsion des congrégations en 1880, confiscations et inventaires faisant suite à la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905. Des inventaires souvent effectués avec le concours de la force militaire. La République osa même, à travers une circulaire des domaines, le 2 janvier 1906, ordonner aux agents chargés de l’inventaire l’ouverture des tabernacles. On s’attaquait ainsi au saint des saints. D’un autre côté, la République fut bien contente de trouver l’Église catholique comme auxiliaire dans sa politique de colonisation en Afrique, à la fin du XIXe siècle. La France, c’est 150 ans de République, 1.500 ans de christianisme : au regard de l’Histoire…
En fait, Gérald Darmanin fabrique de fausses similitudes comme on dessinait jadis de fausses fenêtres pour l’harmonie d’une façade. Cela trompe peut-être l’œil extérieur mais ne donne pas de la lumière dans la maison. Et n’éclaire pas le débat.
Maintenant, une question se pose : où se situe la vraie difficulté, pour l’islam ? « Travailler avec la République » ou s’intégrer à la France ?