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De l’Enfer au Paradis, les marchés de l’électricité se sont une fois de plus affolés au cours des derniers jours, mais cette fois en sens inverse. Le prix du MWh, qui se négociait autour de 500 € la première semaine de décembre, s’échangeait, le 30 décembre à 8 heure, à… 1 € ! Durant la nuit, on enregistre même, depuis quelques jours, des prix négatifs. Chacun y va de son explication et les multiples causes de cet effondrement semblent donner raison à tout le monde. L’analyse la plus simple est de confronter offre et demande.
Baisse de la demande
Depuis début décembre, la demande d’électricité a baissé de près de 30 %, passant d’une moyenne de 73 GW à 52 GW (on est même tombé à 42 GW, le 1er janvier à midi, soit l’équivalent d’un 15 août !). La première cause est bien évidemment la douceur météorologique observée en cette fin d’année, avec des températures presque printanières sur l’ensemble de la France (20 °C à midi à Bordeaux, le 31 décembre). La seconde, tout aussi évidente, est la « trêve des confiseurs » de fin d’année durant laquelle l’activité au sens large est toujours fortement réduite.
Mais, en filigrane de ces deux causes conjoncturelles, se cache aussi une réduction structurelle liée aux prix de l’énergie. Pour le gouvernement, il s’agit tout simplement de la réponse citoyenne aux appels à la sobriété. Un argument très contestable dans la mesure où, grâce aux boucliers tarifaires, le Français moyen n’a pas vraiment ressenti la hausse des prix de l’énergie en 2022. En revanche, parallèlement à l’autosatisfaction de l’exécutif, nous avions indiqué dans un précédent article qu’un bruit de fond inquiétant était en train de monter : la baisse de la consommation serait surtout liée à l’arrêt de commerces et de sites industriels touchés de plein fouet par la flambée des prix de l’énergie. Le coup de gueule des boulangers étranglés par leur facture d’électricité (ils descendront dans la rue – une première – le 23 janvier) atteste d’un profond malaise.
Aussi faudra-t-il probablement attendre la fin du premier trimestre 2023 pour trancher la question : « La sobriété au secours de la croissance ou la décroissance au secours de la sobriété. »
Accroissement de l’offre
Parallèlement à la baisse de la demande, l’offre d’électricité s’est accrue, notamment grâce à une météo éolienne extrêmement favorable. Alors que, durant la première quinzaine de décembre, les conditions anticycloniques n’ont pas fait souffler un « pet de vent » (2,3 GW en moyenne), depuis Noël, ce sont 10 GW en moyenne qu’Éole nous a gracieusement offerts. Au cours des dernier jours, la puissance éolienne a même dépassé les 15 GW, soit un taux de charge exceptionnel de 90 % (contre 23 % en moyenne sur l’année). Un tel afflux de GW a nécessité certains délestages de nuit, ce qui explique, entre autres, les prix négatifs observés. À ces conditions exceptionnelles de vent sont venus se rajouter 3 GW supplémentaires de nucléaire dont la maintenance a été finalisée. En conséquence, alors que, durant la première quinzaine de décembre, la France importait régulièrement 10 GW de ses voisins belges, allemands et espagnols, depuis la Noël, l’Hexagone est redevenu exportateur.
Prix du gaz
L’exceptionnel redoux observé actuellement en Europe a aussi fort logiquement réduit la consommation gazière. Aussi les prix du gaz sur le marché européen de Rotterdam ont-ils été divisés par deux, passant de 139 €/MWh, début décembre, à 76 €/MWh, le 30 décembre.
Tous les ingrédients étaient donc réunis pour que le prix du MWh s’effondre : réduction à la fois conjoncturelle (météo, fêtes) et structurelle (sobriété, réduction de la production manufacturière) de la consommation et accroissement conjoncturel de l’offre (météo favorable). La baisse du prix du gaz (qui intervenait comme source marginale au cours des derniers mois) a, en revanche, assez peu affecté le prix du MWh électrique dans la mesure où, compte tenu du fort déséquilibre entre l’offre et la demande, les unités gazières ont été faiblement appelées au cours des derniers jours (2 GW, contre 10 GW en moyenne durant la première quinzaine de décembre).
Un marché gouverné par… Dame Nature
Essentiellement conjoncturelle, cette embellie énergétique doit être regardée avec beaucoup de circonspection. La reprise de l’activité, début janvier, suivie d’une nouvelle vague de froid associée à un anticyclone polaire sans « un pet de vent » et des réacteurs nucléaire indisponibles nous ramèneraient inexorablement à la case… des 500 €/MWh. Aussi, ces phases de prix extrêmes, totalement incompatibles avec une activité économique « civilisée », doivent-elles nous faire prendre conscience du dysfonctionnement du marché européen de l’électricité. Non stockable, l’électricité doit instantanément, dans un marché ouvert à la concurrence, confronter offre et demande. Cette situation était déjà complexe, jadis, quand le mix était uniquement composé de sources pilotables. En ajoutant des sources intermittentes, l’Europe a, de facto, créé un marché principalement gouverné par… Dame Nature. Trop de vent ou de soleil, une couverture nuageuse trop dense ou un anticyclone polaire suffisent alors à rendre le marché fou, fou, fou. Le choix d’une quantité significative de renouvelables dans le mix électrique imposerait de sortir l’électricité de la concurrence et de revenir à un monopole naturel d’État régissant seul l’ensemble des sources. Pour ce faire, il faudra d’abord que la France redevienne électriquement indépendante !
Philippe Charlez dans BV
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